L’agrément d’une banque est retiré, la banque nationale d’Ukraine (NBU) estimant qu’elle procédait à des opérations risquées, entraînant sa liquidation et la direction est poursuivie pour fraude fiscale et abus de confiance. Le PGD et actionnaire principal en détention agit au civil contre le retrait de l’agrément, indiquant que les opérations illégales alléguées résultent de la faute de la NBU et des autorités fiscales elles-mêmes, argumentation rejetée en première instance, le retrait étant fondé sur des violations du droit bancaire. La Cour d’appel maintient le retrait, estimant toutefois qu’il ne concerne pas le premier requérant et que rien n’indiquait qu’au cours de la procédure ses droits aient été violés.
La Cour suprême casse, estimant que l’action était irrecevable, le requérant n’ayant pas fait valoir en quoi le retrait violait ses propres droits en tant qu’actionnaire majoritaire, agissant pour la banque sans y être autorisé, l’ensemble du litige relevant du juge commercial; la liquidation est donc menée à son terme en 2014.
Le requérant fait valoir qu’il ne lui a pas été possible de contester le retrait devant un tribunal en violation du §6-1 de la CEDH et que les mesures prises contre les actifs de la banque par les autorités fiscales violaient ses droits résultant du §1 du Protocole n°1 à la CEDH.
La Cour, par sa décision du 21 décembre 2017 Feldman c/ Ukraine, rappelle qu’en principe un actionnaire n’est pas victime de la violation des droits de la société et ne peut donc agir en son nom; par exception, peut être invoqué l’absence de personnalité de la société ou l’impossibilité d’agir via ses organes ou liquidateurs (point 26), notamment si la banque ne peut contester la nomination d’un liquidateur. En l’espèce au moment de l’action du requérant, les liquidateurs de la société sont des officiers de la NBU et des autorités fiscales, si bien que des circonstances exceptionnelles empêchant la société d’agir sont réunies et que sa requête doit être examinée nonobstant la disparition de la personne morale.
La Cour relève que quand les décisions administratives portant sur les droits et obligations civils ne peuvent être contestées, il doit exister un contrôle juridictionnel (point 41). Ici le retrait n’a pu être contrôlé à aucun moment d’une procédure où cette absence de contrôle empêche aussi le requérant d’agir devant le juge commercial, lequel ne peut recevoir qu’une action contre le retrait émanant des liquidateurs officiers de la NBU. Le requérant s’est donc trouvé privé de l’accès à un tribunal pour contester le retrait et ce déni cause une atteinte à la propriété de la banque.
L’agrément étant un bien dont les autorités ne peuvent détruire illégalement la possession paisible, il faut considérer que l’exigence de légalité signifie que des mécanismes internes préservent d’atteintes arbitraires aux droits protégés par la CEDH, bien que le §1-P1 n’inclut pas d’exigence procédurale, -l’absence d’un contrôle judiciaire n’étant pas en soi une violation. En l’espèce, à aucun moment la banque n’a pu faire valoir sa position dans la procédure, sans que cela puisse se justifier par l’urgence, si bien que l’atteinte à la propriété n’était pas entourée de garanties suffisantes contre l’arbitraire, et est donc illégale au sens de §1-P1. Par ailleurs, le requérant n’a agi jusqu’ici que pour contester le retrait sans invoquer l’illégalité des mesures prises par les liquidateurs. Les atteintes à la propriété conséquentes invoquées n’ont donc jamais été examinées et cet examen relève du juge national.